Au moment la Russie se positionne dans le continent, la plupart des populations de l’Afrique subsaharienne est rassurée, l’inquiétude et la peur semblent gagner l’Occident. Plusieurs puissances colonisatrices ici craignent de voir le continent noir opérer un revirement vers Vladimir Poutine qui risquerait faire obstruction à leurs intérêts.
L’Afrique subsaharienne ne gagnerait pas à jouer les infidèles avec ses anciennes puissances colonisatrices. C’est du moins l’avis de ceux qui estiment que, l’Afrique noire ne devrait pas diversifier son partenariat avec d’autres pays occidentaux à l’instar de la Russie. Ils disent fonder beaucoup d’espoir sur l’intervention française au sein des pays de la CEMAC et de la CEDEAO notamment en matière de sécurité et de transfert de technologies. Le débat s’anime entre experts en Relations internationales : « Croyez-vous que la France, l’Angleterre, l’Espagne ou la Belgique soient incapables de revoir leurs rapports avec leurs colonies ? Vous croyez qu’ils ne sont pas conscients de la tentative de positionnement de la Russie en Afrique ? Ils sont bien au courant et ne soyez pas surpris de voir un sursaut d’orgueil dans les relations avec les pays africains. Macron en a parlé dans son discours après sa réélection il y a quelques jours. C’est un nouveau dynamisme que nous allons observer tant en matière économique, sécuritaire que dans le domaine de transfert de technologie ». Pour cet internationaliste rencontrée dans la ville universitaire de Yaoundé II, Soa, l’Afrique subsaharienne gagnerait à privilégier ses rapports avec ses « anciens maîtres » qui pour lui, sont à même d’impulser le développement des peuples noirs. Seulement, sous un tout autre angle, d’aucuns se posent la question de savoir pourquoi, ils ne l’ont pas fait après tant d’années d’indépendance.
En réalité, les feux sont au vert pour accueillir favorablement la Russie en Afrique subsaharienne. Plusieurs pays ici voient en ce nouveau partenaire, un puissant allié qui empêcherait certaines puissances métropolitaines de continuer à les malmener sur le quadruple plan économique, politique, sanitaire et militaire : « L’Afrique au rendez-vous des grandes Nations, n’a pas la liberté d’expression malgré sa population et son degré de développement. Aucun droit de veto ne lui est reconnu. Le continent noir bien que riche en ressources du sol et du sous-sol, continue à vivre comme ce lézard qui, dans un sac d’ignames, meurt de faim ». D’aucuns estiment donc que toutes ces puissances occidentales présentes en Afrique, ne sont là que pour l’exploiter, l’avilir et la plonger davantage dans le sous-développement.
Ils disent avoir perdu tout espoir de voir l’Afrique noire émerger sous l’impulsion de la France. Las d’attendre, certains géostratèges estiment que le néocolonialisme est pire que l’esclavage quand les deux ne sont pas frères jumeaux des institutions de Breton Woods : « l’Afrique à défaut de prendre son destin en main, doit avoir au moins des puissances amies soucieuses de son développement. En plus, laissez-moi vous dire que, les bases militaires ne sont pas une garantie de sécurité. La preuve, l’insécurité a fait son nid dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne. Croyez-vous que l’Afrique noire accuserait ce retard si elle avait au moins quelqu’un pour dire, c’est assez. Je crois que l’ouverture des portes à la Russie est une bonne chose au regard de son poids en tant que deuxième gendarme du monde. L’on peut toujours essayer et d’ailleurs, certains le comprennent déjà. Vous n’avez qu’avoir le cas du Mali, de la RCA et même du Cameroun ».
La volonté manifeste de ces puissances impératrices de maintenir l’Afrique dans le sous-développement créée un sentiment anti-français : « plus de 60 ans après les indépendances, qu’a-t-on gagné ? Si certains pays se tournent vers la Russie, c’est justement parce qu’ils en ont marre. Aucune sécurité, ni développement. L’état de servitude se maintient. Pourquoi ne pas essayer avec la Russie ? va-t-on continuer à espérer alors qu’on sait pertinemment que le salut ne viendra jamais de nos oppresseurs ? Il est grand temps d’ouvrir les yeux et je crois que si l’Afrique se tourne vers la Russie, elle provoquera un nouveau type de coopération gagnant-gagnant. La France par exemple pourra très vite se raviser ».
La peur change de camp
Le repositionnement de la Russie en Afrique fait naître la peur en Occident : « Je crois que si vraiment l’Afrique noire se tourne définitivement vers la Russie, le premier pays qui tombe en Europe, c’est la France car, s’il y a 10 euros dans le porte-monnaie d’un français, 07 euros viennent de l’Afrique, c’est-à-dire de l’exploitation de nos richesses. La France gagnerait même à protéger l’Afrique, à promouvoir son plein épanouissement. A défaut, les africains vont se tourner vers la Russie qui m’a foi est soucieuse du devenir des Africains. Vous êtes sans doute oubliée que l’exploitation de l’Afrique fait couler beaucoup de salive au parlement italien. L’on commence véritablement à indexer la France d’être à l’origine de l’insécurité et du retard de développement qu’accuse le continent noir ».
Sur place, le débat du repositionnement de la Russie alimente les débats. La peur n’est plus du côté des peuples noirs mais des puissances colonisatrices qui risquent perdre le grenier qui alimente leur industrie : « Si plusieurs pays en Afrique subsaharienne refusent de renouveler certains accords coloniaux, c’est justement parce qu’il y a un regain de conscience. Un vent de nationalisme renaît et il n’est plus question de rester lier par des accords qui nous maintiennent dans la servitude. La Russie, je la vois en terme de protectrice de l’Afrique noire. On gagnerait à lui ouvrir nos portes. Qui pouvait imaginer que le dollar allait connaître des problèmes un jour ? Qui savait que les échanges pourraient se faire en Roubles ? C’est un signal fort. Vous voyez les pays de la Ligue Arabe ? On ne fait pas n’importe quoi là-bas. En Asie, c’est la même chose. L’Afrique subit tout ce diktat parce qu’elle n’a pas de protecteur », conclut notre spécialiste des Relations internationales.
Jean Baptiste Bidima