Depuis le 1er janvier 2022, les opérations de transfert d’argent se voient désormais appliquer une taxe de 0,2% du montant transféré au Cameroun. Une situation qui vient créer la confusion totale chez les opérateurs de ces transferts d’argent et chez les consommateurs Camerounais.
L’article de référence est contenu dans le Code Général des Impôts. Il s’agit notamment de l’article 228 ter, qui dispose que : « – Sont passibles de la taxe sur les transferts d’argent : – les opérations de transfert d’argent réalisées par tout moyen ou support technique laissant trace, notamment par voie électronique, téléphonie mobile, télégraphique ou par voie de télex ou télécopie, à l’exception des virements bancaires et des transferts pour le règlement des impôts, droits et taxes ; – les retraits en numéraire consécutifs à un transfert d’argent effectué auprès des établissements financiers ou des entreprises de téléphonie. » A quelques jours de l’entrée en vigueur de cet article, les opérateurs téléphoniques envoyèrent des messages à tous leurs consommateurs pour les alerter de cette nouvelle mesure qui était sur le point d’entrée en application à compter du 1er janvier 2022.
La désapprobation des consommateurs et le ras-le- bol des opérateurs
Dès réception des premiers messages annonçant cette taxe, des voix se sont levées pour crier au scandale. « Encore une manœuvre de l’Etat pour appauvrir le petit Camerounais. » Disent-elles. Une dénonciation dont fait écho Delor Magellan Kamseu Kamgaing, Président de la ligue Camerounaise des consommateurs dans un article publié dans un journal de la place.
Il ressort de cette sortie que : « Suite à l’entrée en vigueur le 1er janvier dernier de la taxe sur les opérations de transfert de fonds, le bureau exécutif de la Ligue Camerounaise des consommateurs, regrette la non prise en compte du droit du consommateur. » Le président de la ligue évoque pour le déplorer, la loi cadre de mai 2011 portant protection du consommateur. C’est à cet effet qu’il conclut : « Nous déplorons le taux exorbitant de ladite taxe fixé à 0,2%. » La solution prônée ici est la réduction par le Président de la République à travers une ordonnance, de ce pourcentage de 0,2% à 0,1%.
De leur côté, les opérateurs téléphonique (MTN et Orange) voyaient en cette taxe un moyen de pression sur leurs produit. Ils vont donc dénoncer une politique de deux poids deux mesures. Car selon eux, cette loi ne semblait pas être de portée générale. Un doute qui sera aussi tôt dissipé par la sommation faite à Express Union : « Je réitère l’obligation de collecte de ladite taxe sur toutes les opérations de transfert et de retrait d’argent imposables réalisées depuis le 1er janvier 2022, conformément aux dispositions des articles 228 bis et suivants du Code général des impôts », lit-on dans une correspondance signée par ordre par l’inspecteur principal des impôts Terrence Adrien Tocke.
Les motivations des pouvoirs publiques au-delà des spéculations
Selon les éclairages apportés par Louis-Marie Kakdeu , il faut comprendre ici qu’il s’agit d’une taxe sur tous les transferts d’argent effectués à l’intérieur du pays à l’exception des virements bancaires et des transferts pour le règlement des impôts (taxes et autres factures). Il faut donc considérer que l’Etat taxe le capital et non le porte-monnaie électronique.
L’expert fait savoir qu’une activité comme celle des transferts d’argent qui a généré selon les chiffres de la BEAC environ 10,833 milliards FCFA en 2020 et 12150 milliards FCFA en 2021 ne pouvait pas échapper au fisc. Il s’agit d’un capital taxable. Il est clair pour Dr. Kakdeu que si l’argent est utilisé comme moyen de paiement (porte-monnaie électronique) alors, il ne sera pas taxé. Par exemple, le paiement des factures d’Enéo ou de Camwater ne sera pas taxé de même que beaucoup d’opération dans le commerce (supermarché par exemple). Le problème qu’il faut résoudre est que beaucoup de personnes continuent de payer par voie de transfert. Or, l’argent transféré devient un capital entre les mains du bénéficiaire, ce qui revient à dire qu’il doit payer la taxe.
Il va sans dire que l’arrimage du Cameroun à la nouvelle stratégie de développement 2020 – 2030 nécessite une mobilisation d’importantes ressources financières ; pour y parvenir, l’Etat se trouve obligé de créer de nouvelles niches d’impôts. L’on peut comprendre aisément pourquoi après la récente querelle autour de l’impôt sur les tontines et autres associations, qu’on évoque aujourd’hui un autre sujet qui fâche à savoir la taxe sur les transferts d’argent. Il est clair que pour que l’Etat est dans un vaste chantier d’élargissement de son assiette fiscale selon les prescriptions de la loi de finance 2022 dans l’optique de s’arrimer à la nouvelle stratégie de développement 2020-2030.