Inades-Formation Cameroun a joué le rôle d’organisation « Sponsor » dans le cadre de la mise en œuvre des activités du projet « Revitalizing indigenous forest peoples traditionnal and ecological Governance system through strengthening intergernerational dialogues » repris en langue BAKA « MANGOGO A BAKA » qui signifie « Retour aux sources ».
L’objectif global de ce projet est de contribuer à la redynamisation du système de gouvernance traditionnel et écologique des peuples autochtones des forêts en renforçant les dialogues intergénérationnels et s’inscrit dans l’un des programmes structurants d’Inades-Formation : la Gouvernance inclusive. Les bénéficiaires sont les communautés autochtones du département de Dja et Lobo dans le sud Cameroun. L’un des objectifs spécifiques de ce projet est de mettre en place un système pour réorganiser les rites et les cérémonies traditionnelles BAKA qui soutiennent la spiritualité ancestrale. C’est dans ce cadre que s’est tenue du 20 au 24 août 2023 dans l’arrondissement de Mintom, Région du Sud Cameroun, Département du DJA et LOBO, la 1ère édition de la cérémonie traditionnelle dénommée ‘’LIBANDI’’ dans la localité de Zoulabot.
À Mintom, au cœur de la grande forêt du Sud Cameroun, à 354,7 km de la capitale Yaoundé, un espace d’environ cinq cent mètres carrés de superficie a été spécialement aménagé par les BAKA dans le village Zoulabot. La forêt est animée. On chante, on danse, on crie. Les huttes sont joliment décorées de feuilles de raphia. Le décor est très propre aux BAKA.Il s’y déroule une cérémonie qui représente un rite fondamental traditionnellement appelé LIBANDI.
Portées par trois associations à savoir ADEBAKA, ABAGUENI et ABAWONI, les festivités étaient marquées par la présence de plusieurs autorités traditionnelles et administratives et, des communautés « Bantou » voisines. Le LIBANDI a regroupé 21 communautés BAKA venues de trois arrondissements à savoir Djoum, Mintom et Oveng. Pendant cette cérémonie qui a mobilisé environ 400 filles et fils BAKA, de nombreuses allocutions ont été prononcées par les chefs des communautés BAKA, qui relevaient chacun ce qui était fait à son niveau pour œuvrer dans la promotion des communautés tout en préservant leur culture.
Le LIBANDI a donné l’occasion aux BAKA de retisser les liens familiaux entre les « YE » ou clans dispersés. Ce fut également l’espace pour les jeunes femmes et les jeunes hommes de faire des rencontres matrimoniales. L’un des points importants de cette cérémonieétait les dialogues intergénérationnels en vue d’un transfert des connaissances ancestrales. Les communautés se sont rivalisées à travers les chants et danses qui se déroulaient de nuits comme de jours, mais aussi à travers les différents jeux.
Parmi ces activités ludiques qui entrent dans leur culture, le Jeu à la cible appelé (LEKA) en langue BAKA. Le LEKA a vu la participation de 2 équipes notamment celles de Djoum et Mintom. L’équipe de Djoum s’est montrée la plus adroite et a gagné la compétition sur le score final de 1 tir à 0. Le patriarche NANGA Simon a été sacré meilleur tireur (traditionnellement appelé Touma) de cette édition. Le jeu à la cible consiste à préparer le jeune BAKA à la chasse. Cette technique ancestrale se pratique avec des lances et des flèches.
L’autre grande attraction a été le défilé rythmé par les chants polyphoniques des femmes « YEYI ». Ce fut l’apothéose.L’ensemble des communautés a parcouru le village de la cérémonie en entonnant les chants traditionnels. A côté de tout ceci, il y’a eu la construction par eux des Huttes traditionnelles, « mongulu » et le tissage des nattes présentant leur vie il y a des siècles. Dans l’ensemble de ses différentes activités, la première édition du LIBANDI dans la localité de Zoulabot a rassemblé près d’un demi-millier de personnes pendant 5 jours.
Ils ont démontré par leur animation que leur culture demeure une attraction pour les voisins Bantu. Grâce au LIBANDI, les jeunes filles ont appris à tisser les nattes et à construire les « Mongulu » a martelé une ressortissante d’Oveng. Toutes ces activités se sont déroulées dans une ambiance très festive et sereine.
Cette cérémonie a connu un grand succès, car l’animation continuait sur le site en forêt parfois jusqu’à 2 heures de la nuit ponctuée par l’apparition du grand Edjengui (l’esprit de la forêt). D’après ces communautés, Edjengui veille, soigne, conseille et protège les BAKA.
Satisfaite de la réussite de la cérémonie, la coordonnatrice du RACOPY ; Madame MBEZELE FOUDA Elisabeth s’est exprimée en ces propos sur l’organisation de cette édition du LIBANDI : « La cérémonie a été entièrement organisée par les associations autochtones et s’il faille donner une note sur 10, je donnerai une note de 8/10 parce qu’il y’a des éléments à améliorer. La grande force de cette réussite, c’est que de bout en bout cela a été coordonné et géré par les associations elles-mêmes »
Le LIBANDI de Zoulabot plus qu’un coup d’essai, fut une véritable leçon de maître. L’atelier de réflexion a clos les festivités de cette édition. En guise de plaidoyer, la communauté a listé les nombreux problèmes auxquels ils sont confrontés notamment les problèmes liés à la citoyenneté, les relations avec les Bantu, les problèmes fonciers, l’accès à l’eau potable, la scolarisation des enfants etc. Ils ont adressé leurs doléances à l’Administration et à toute structure ou institution pouvant les aider à continuer à vivre la vie de leurs ancêtres menacées de disparition tout en ayant des repères dans la vie moderne.