Le projet de loi des finances de la République du Cameroun pour l’année 2024 a été adopté le 06 Décembre dernier à l’Assemblée nationale lors d’une séance plénière. Une adoption qui passe sans tenir compte des objections de l’opposition.
La scène avait fait le tour du monde et avait laissé penser à l’existence d’une véritable démocratie encore que c’était dans la maison du peuple, le lieu d’expression par excellence de toute démocratie, l’Assemblée Nationale. Le 30 Novembre dernier, l’on a pu voir quelques députés de l’opposition conduits par des noms bien connus à l’instar de des honorables Cabral Libii du Pcrn, Jean Michel Nintcheu et Koupit Adamou de l’Udc, empêcher la prise de parole par le premier ministre à l’effet de présenter le projet de loi des Finances du Cameroun pour l’exercice 2024. Ces députés dénonçaient certaines irrégularités notamment dans le délai de transmission de cette loi aux députés pour lecture avant sa présentation officielle. Le » bruit » n’avait duré que le temps d’un brasier de pailles sèches et puis rien.
Le 06 Décembre, soit à peine une semaine après, le projet de loi était adopté par la représentation nationale tel un match de football à guichets fermés. L’ on apprendra de la bouche du ministre des finances Louis Paul Motaze, visiblement satisfait de cet autre victoire que les objections et propositions de l’opposition ont été prises en compte : << Je ne peux que me sentir heureux, le gouvernement a fait un travail, le Chef de l’Etat a déposé le projet de loi de finances au Parlement, nous venons de franchir une première étape qui est l’étape de l’Assemblée Nationale, c’est déjà une bonne chose, et nous avons particulièrement travaillé cette fois ci en bonne intelligence avec le parlement, et certains des parlementaires comme Cabral Libii l’ont d’ailleurs rappelé parce qu’ils ont déposé un certain nombre d’amendements qui ont d’ailleurs été acceptés par le gouvernement, c’est-à-dire que le gouvernement les a jugés intéressants. Et c’est bien de le savoir car nous sommes tous là, que ce soit le gouvernement, que ce soit les parlementaires, nous sommes tous là pour travailler pour l’amélioration des conditions de vie des populations, donc lorsque eux mêmes ils font des propositions qui nous semblent intéressantes, nous les adoptons >>. Louis Paul Motaze, ministre des finances.
En effet dans un document de 20 pages déposé par Cabral Libii auprès du Secrétaire général de l’Assemblée Nationale, les députés du PCRN font des propositions beaucoup plus ambitieuses que celle du gouvernement, en matière de développement des secteurs des énergies renouvelables, de l’adduction d’eau potable, de l’élevage et de la pêche.
Dans le détail, alors que le projet de loi du gouvernement propose une exonération, sur une durée de 24 mois à compter du 1er janvier 2024, des droits de douane de tous les équipements et matériels importés en rapport avec ces secteurs d’activités, le PCRN, lui, suggère une exonération sur une période de 5 ans. « La durée d’application (24 mois seulement) des mesures (…) proposées par le gouvernement pourrait s’avérer inefficaces pour assurer un changement de paradigme chez les populations et influer sur les choix d’investissement des commerçants, ou même permettre la naissance d’une véritable industrie verte, à l’ère de la transition énergétique et de la promotion du localisme (cycles de production courts) susceptible, dans le cas de la pisciculture, réduire substantiellement les importations de poissons coûteuses en devises. Même si l’on peut subodorer que ces incitations visent des opérateurs ciblés d’avance, cela ne peut se justifier au vu des résultats mitigés des agropoles (programme de financement gouvernemental visant l’augmentation de la production locale pour réduire les importations, NDLR) depuis 2012, ainsi que des conventions API (agence de promotion des investissements, NDLR) portant sur ces secteurs », justifie le PRCN dans le document signé par Cabral Libii.
Et le PCRN de poursuivre : « plutôt que d’afficher des objectifs court-termistes, et donc peu ambitieux, le gouvernement gagnerait à aller vers une véritable stratégie de moyen terme pour encourager l’implantation d’une myriade de petites et moyennes fermes aquacoles disséminées sur le territoire. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons espérer réaliser les objectifs de politiques publiques contenues dans la SND30 (Stratégie nationale de développement 2020-2030, NDLR), le programme de réformes économiques sous-régional et la politique monétaire conduit par la Beac, dont l’objectif converge vers le rééquilibrage de nos comptes extérieurs et la réduction du gaspillage de nos ressources d’exportations pour favoriser l’investissement ».
Droit de sortie « confiscatoire » sur les grumes
Dans sa démarche d’amendement du projet soumis à la sanction du Parlement par le gouvernement, le PCRN propose également un relèvement plus important du droit de sortie des grumes. Alors que le gouvernement projette une augmentation de cette taxe, passant de 60% en 2023 à 75% en 2024, le parti de Cabral Libii, souhaite voir la taxe passer à un « taux de sortie confiscatoire de 100% de la valeur FOB de l’essence, applicable aux bois en grume des quatorze essences prévues à l’annexe du décret numéro 99/781/PM du 13 octobre 1999 ». De même, ce parti de l’opposition camerounaise propose 75%, s’agissant du « taux du droit de sortie applicable aux bois en grume des essences de promotion, dont l’exportation est autorisée par l’annexe II du décret (…) précité ».
En appui de sa proposition, le PCRN fait remarquer que « contrairement aux pays voisins, le Cameroun peine à appliquer la mesure Cemac (interdiction des exportations des grumes, dont l’entrée en vigueur est désormais renvoyée sine die, NDLR), encourageant de facto la poursuite de l’exploitation anarchique de nos forêts. (…) Le taux de 60% applicable à l’entrée des bois en grume dans les points francs (proposition contenue dans le projet du gouvernement, NDLR) industriels est une manière de poursuivre l’exportation des bois en grume chez les plus gros exploitants, dont les parcs de chargement dans les ports (Douala et Kribi) constituent des points francs. Il doit être purement et simplement supprimé ».
Des amendements qui, de l’avis de certains observateurs sont bonnes et très bonnes d’ailleurs mais malheureusement ne seront pas prises en compte par un gouvernement dont l’ouverture n’est pas sa force. En rappel, le budget prévisionnel de l’Etat du Cameroun pour l’année 2024 est équilibré en dépenses et en recettes à 6 740,1 milliards de francs CFA.