L’ancien ministre, ancien secrétaire général de la présidence de la République et membre du Conseil constitutionnel depuis 2020 s’est éteint ce 06 Janvier 2024. Mais qui était cet homme, cette personnalité multiple qui aura marqué la scène politique et intellectuelle du Cameroun pendant près de quatre décennies ?
Il avait certainement abandonné les amphithéâtres, notamment ceux de l’Université de Yaoundé 2 Soa depuis plusieurs années déjà, mais il occupait encore une importante sur la scène politique camerounaise. Le professeur Joseph Owona a définitivement quitté la scène ce 6 Janvier 2024 des suites de maladie.
Un parcours académique impressionnant
Né le 25 janvier 1945 à Akom dans le département de l’Océan, dans la région du Sud Cameroun. Il fait ses études supérieures à l’université de Yaoundé, puis en France à l’université Panthéon-Sorbonne. Il est titulaire d’une licence en droit, du DES en droit public, du DESS en sciences politiques, du doctorat d’État en droit public. Il est lauréat du concours français d’agrégation en droit public et en science politique. Il commence sa carrière académique en tant qu’assistant à l’université Panthéon-Sorbonne de 1969 à 1972 puis à l’université de Yaoundé de 1972 à 1977 en qualité de chargé de cours au sein la faculté de droit et sciences économiques. Il occupe au même moment plusieurs postes de responsabilité dont celui de membre de l’Académie des sciences de la république du Cameroun, et régulièrement reçu comme professeur visiteur à l’Institut d’Afrique de l’Académie des sciences de l’URSS.
Il a enseigné durant plus d’une quarantaine d’années dans plusieurs universités africaines et du monde.
Il assure la fonction de chef du service enseignement et recherche à l’université de Yaoundé en 1973, puis chef du département de droit public en 1976. Il est nommé directeur de l’Institut des relations internationales du Cameroun le 9 septembre 1976 et occupe la fonction jusqu’au 22 août 1983. Il devient ensuite chancelier de l’université de Yaoundé du 22 août 1983 au 13 septembre 1985. Joseph Owona est considéré comme le père du constitutionnalisme au Cameroun, et a été de la première génération des juristes et jurisconsultes ayant essaimé la science du droit au Cameroun et en Afrique.
Le » Sapeur-pompier » de Paul BIYA
Dans les années 1990, il joue un rôle très remarqué dans le renforcement du pouvoir du président Paul Biya, bousculé par l’ouverture au multipartisme avec la montée en puissance de Ni John Fru Ndi, et la percée de l’UNDP dans la partie septentrionale. Joseph Owona est alors mis à contribution par son mentor pour sélectionner les jeunes élites du septentrion favorables au président Paul Biya et lui conforter la reconquête de cet espace qui lui tient à cœur, mission qu’il réussira et qui ramènera dans le giron du pouvoir cette partie du pays nostalgique de l’ère du président Ahmadou Ahidjo. Bien qu’étant un soutien de Paul Biya, il jouit d’une certaine crédibilité auprès de toute la classe politique, notamment celle de l’opposition qui le considère davantage pour son intégrité et son rayonnement au sein du milieu universitaire où il compte des proches. Il est d’ailleurs proposé par cette dernière en 2008, par le chef de l’opposition camerounaise Ni John Fru Ndi, et Christian Cardinal Tumi, premier cardinal de l’histoire du Cameroun, qui voit en lui une personnalité objective et crédible pour faire partie de la direction de la Commission électorale indépendante, qui verra le jour en 2006 sans lui sous le nom d’Elections Cameroon.
Au cours de son passage au gouvernement, il joue un rôle clé, avec d’autres personnalités telles que les gardes des Sceaux maître Douala Moutome, Amadou Ali, ou Encore Maurice Kamto sous la coordination du président Paul Biya dans le règlement du différend sur le tracé de la frontière terrestre et maritime qui oppose le Cameroun à la république fédérale du Nigeria avec en apothéose en 2006 la signature des accords de Greentree sous l’égide de la Cour internationale de justice (CIJ).
Dans sa riche carrière gouvernementale, Joseph Owona est nommé par Paul Biya aux diverses fonctions du pouvoir. En 1985, il est nommé secrétaire général adjoint de la présidence de la République puis ministre de la Fonction publique et du Contrôle de l’État du 16 mai 1988 au 7 septembre 1990. Entre le 7 septembre 1990 au 9 avril 1992, il est ministre de l’Enseignement supérieur, de l’Informatique et de la Recherche scientifique, par ailleurs chancelier des ordres académiques de la république du Cameroun. Secrétaire général de la présidence de la République du 9 avril 1992 au 21 juillet 1994, il sera ensuite ministre de Santé publique (21 juillet 1994-19 septembre 1996), ministre délégué à la présidence de la République chargé du contrôle supérieur de l’État (19 septembre 1996 – 7décembre 1997 – 18 mars 200) ; ministre de l’Éducation nationale (18 mars 2000 – 8 décembre 2004).
Sur le plan diplomatique, en 2018, Joseph Owona est désigné, aux côtés de l’ancien vice-président de la transition du Mali Dioncounda Traoré, par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale à l’effet de diriger la mission d’observation des premières élections présidentielles ayant conduit à l’alternance démocratique en République Démocratique du Congo avec l’élection de Félix Antoine Tshisekedi.