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vendredi, 22 novembre 2024

L’Afrique et la fin du F CFA

Le Ghana et le Nigeria, qui étaient tous deux contre l’adoption de la monnaie unique ECO sont soudainement confrontés à des problèmes d’instabilité.

Après le cédi du Ghana, le naira nigérian qui s’est pris un coup face aux chocs extérieurs, renforçant ainsi la fausse croyance que le « franc CFA » de l’UEMOA serait un facteur de stabilité à prendre compte dans le projet de monnaie unique de la CEDEAO, dénommé l’ECO. Pendant de nombreuses années, le Nigeria a maintenu la valeur de sa monnaie par rapport au dollar en ouvrant son marché des titres intérieurs aux investisseurs étrangers et en maintenant un taux fixe pour les opérations de change officielles, tout en tolérant un marché parallèle où les taux étaient plus élevés. Dans ce contexte, la décision récente de l’administration au pouvoir au Nigeria d’unifier les taux de conversion avec le dollar américain a entraîné une dévaluation officielle de la monnaie nigériane, la rendant désormais plus faible que le franc CFA.

Selon le site Internet de la banque centrale du Nigeria, il faut désormais 746,7 nairas pour 1 $. Jusque-là le taux de change officiel était de 427 nairas pour chaque dollar. Or dans le même temps, il faut seulement 596,7 francs CFA pour 1 $.

Cette évolution survient alors que les pays de la CEDEAO sous l’égide de la France, travaillent toujours à la mise en œuvre d’une monnaie commune appelée l’ECO pour remplacer le Franc CFA qui est très controversé, et que les pays de l’UEMOA ont décidé de rebaptiser leurs monnaies dans le cadre de ce projet sous-régional. Cette décision avait été très controversée et n’avait pas été appréciée par l’ancien président nigérian, Muhammadu Buhari.

Mais cela lance tout de même le débat sur le Franc CFA, mais également sur l’ECO.

                      Les Chefs d’Etats de la CEMAC

Le 17 mars dernier, le compte à rebours a été lancé, la décision des chefs d’État lors du dernier sommet de la CEMAC tenu à Yaoundé se consacrait à la fin du FCFA.

En effet, les chefs d’État ont proposé que les résultats des différentes réflexions initiées par la BEAC puissent être transmis au ministre de l’Économie et des Finances des États membres. En gros, il est question d’une sortie pure et simple du FCFA et pas d’une réforme, elle changera totalement de nom, il est aussi question de la clôture du compte d’opération dans les livres de la Banque de France afin de permettre à la Cemac de disposer de la totalité de ses réserves de change contre 50 % actuellement et du retrait des représentants français au sein des organes de décision et de contrôle de la Beac.

Le débat sur le franc CFA comme facteur de marginalisation des anciennes colonies françaises n’est jamais clos, bien que des changements soient récemment apportés au mécanisme régissant ce système. Pour mieux comprendre l’évolution de ce dossier, certains médias ont évoqué certaines problématiques liées au franc CFA avec Demba Moussa Dembele, économiste chercheur sénégalais basé à Dakar et qui a bien voulu apporter des éclaircissements sur l’état des lieux et les enjeux du franc CFA.

                           Les Chefs d’Etats de la CEDEAO

Du côté africain, les choses n’ont pas bougé depuis. Il y a eu la Covid-19 qui a obligé les dirigeants africains à modifier leurs politiques macroéconomiques. Ils ont ainsi suspendu les critères de convergence et chaque pays essaie d’abord de sortir des difficultés économiques entraînées par la pandémie. Mais du côté de la France, les choses ont bougé. En mai 2020, le gouvernement français a présenté un projet de loi au Parlement pour modifier les accords monétaires avec les pays africains.

Les points saillants de cette prétendue « réforme » sont les suivants :

1. Les pays africains n’ont plus l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor français ;

2. Il n’y aura plus de représentants de la France dans les instances de la BCEAO (banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest).

Pour l’Afrique, ces deux « réformes » ne changent pas fondamentalement les rapports de domination entre la France et les pays africains. Par exemple, si les pays africains n’ont plus l’obligation de déposer la moitié de leurs avoirs en devises en France, rien ne leur interdit de le faire. Si les représentants de la France ne sont plus présents dans les instances de la BCEAO, il est dit qu’ils seront remplacés par des « experts » internationaux, choisis avec l’accord de la Banque de France. Autant dire que celle-ci veillera à choisir des « experts » qui ne remettront pas en cause les intérêts de la France.

En dehors de ces deux « réformes », il y a surtout deux points essentiels qui ne changeront pas :

1. La libre circulation des capitaux entre les pays africains et la France ;

2. Le taux de change avec l’euro restera fixe.

Ces deux points sont au cœur des mécanismes de contrôle des économies africaines. Parce que le premier ouvre largement la porte à la fuite des capitaux vers la France et l’Europe tandis que le second oblige la BCEAO à aligner sa politique monétaire sur celle de la Banque centrale européenne (BCE).

Et la France sera « garante » de ce « nouveau » dispositif. Ce qui veut dire qu’elle va continuer à avoir un droit de regard sur les politiques des pays africains.

Donc, la servitude monétaire va continuer. Ce qui nous amène à dire que la « réforme » du gouvernement français est cosmétique. Elle ne remet guère en question la tutelle française sur les pays utilisant le franc CFA.

Le dépôt de 50 % des réserves de change des pays africains était supposé être la contrepartie de « la garantie illimitée » de la convertibilité du franc CFA accordée par le Trésor français. En réalité, la « garantie » ne joue que si les réserves de tous les pays africains sont épuisées ou à un niveau extrêmement bas, à savoir un taux de couverture de 20 % ou moins. Cela est peut-être arrivé une fois, ce qui a conduit à la décision de dévaluer le franc CFA en janvier 1994.

Une décision unilatérale du gouvernement français de l’époque, appuyée par le Fonds monétaire international (FMI) dont le Directeur général était un citoyen français.

Les dirigeants africains avaient été mis devant le fait accompli ! Pour le reste, ce sont les réserves déposées auprès du Trésor français qui ont toujours constitué la vraie garantie de convertibilité du franc CFA.

Au plan économique, les pays utilisant le franc CFA sont parmi les plus « pauvres » au monde, selon les Nations-Unies. Par exemple, sur les 8 pays utilisant cette monnaie en Afrique de l’Ouest, 7 sont classés « pays les moins avancés » ou PMA ! Cela est dû en partie aux politiques monétaires de la BCEAO qui prend la lutte contre l’inflation comme « priorité », tout comme la BCE, alors que les économies africaines et celles de la zone euro sont à des niveaux de développement complètement différents.

La deuxième conséquence sur le plan économique c’est la domination des sociétés et banques françaises sur les économies africaines. Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Togo, etc., les secteurs-clés sont aux mains des sociétés françaises et les banques sont presque toutes des filiales des banques françaises. Et elles peuvent rapatrier librement leurs bénéfices, sans contrôle sur les montants ni risque de change. Donc, les sociétés françaises ont un accès privilégié aux ressources et les pillent allègrement !

Sur le plan géopolitique, l’influence de la France en Afrique lui donne le statut de « grande puissance » en Europe, voire dans le monde. Sans cette influence, la France aurait le même statut que l’Italie, sans doute moins que celui de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne.

Les pays africains, surtout ceux connus comme anciennes colonies françaises, sont parmi les plus « pauvres », comme indiqué plus haut. Cela explique naturellement pourquoi ils ont un poids plus faible dans les instances internationales. Plusieurs pays utilisant le franc CFA dépendent de « l’aide internationale » pour financer leurs programmes de développement. En outre, ils se font tous dicter leurs politiques économiques par la Banque mondiale, le FMI ou l’Union européenne. Donc, forcément, ils ont une influence négligeable dans les débats internationaux.

Ce dont l’Afrique a besoin pour se développer c’est de :

Recouvrer la souveraineté sur ses ressources au lieu de les brader au bénéfice des multinationales ;

Recouvrer la souveraineté sur ses politiques de développement au lieu de laisser la Banque mondiale, le FMI et d’autres institutions dicter ce que l’Afrique doit faire ;

Promouvoir des politiques de souveraineté alimentaire, de souveraineté énergétique, pharmaceutique, afin de pouvoir se nourrir elle-même, se soigner elle-même, au lieu de toujours compter sur les autres ;

Mobiliser des ressources internes pour financer son développement au lieu de continuer les politiques de libéralisation qui favorisent la fuite massive des capitaux au point de faire de l’Afrique une créancière nette sur le reste du monde, comme l’ont confirmé plusieurs rapports produits par les institutions des Nations-Unies ;

Faire confiance à l’expertise de ses citoyens et citoyennes dans l’élaboration et la mise en œuvre des plans de développement ;

Mettre en place des États capables d’impulser le développement au lieu d’États au service des multinationales ;

Privilégier la coopération et la solidarité Sud-Sud.

SOURCE: FRENCH PRESS TV

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