D’années en années, l’ensemble des décideurs chargés de mener la politique de recensement et de maitrise du fichier solde de l’Etat est incapable de donner avec exactitude le nombre d’agents qui émargent dans les caisses publiques.
La seule évocation du fichier solde du personnel de l’Etat donne du tournis aux autorités camerounaises, du fait de l’embarras dans lequel se trouve ces derniers face à une telle interrogation. Une inquiétude que l’on serait à même de questionner si l’on ne se trouve pas au Cameroun, pays de toutes les incongruités. En effet, dans toute prise de parole publique ni le Chef de l’Etat, ni son premier ministre Joseph Dion Ngute, ni son ministre en charge de la comptabilité de son personnel, encore moins son principal financier logé au ministère de Finances, n’est capable d’afficher des chiffres convaincants et réalistes sur le nombre d’agents de l’Etat.
Un phénomène tout à fait extraordinaire qui donne des insomnies à tous ceux qui ambitionnent de comprendre un tant soit peu le fonctionnement du Cameroun. Pays pourtant leader de la sous-région Afrique Centrale où en 2023, on est encore à seulement spéculer sur les spécificités que pourrait être un système centralisé voire fiable de gestion des ressources humaines de l’Etat. En effet, le système de Gestion Intégré des Personnels et des Soldes apparait comme un véritable serpent de mer pour la quasi-totalité des camerounais y compris pour ceux qui ont été à l’origine de ce logiciel, il y a bientôt une vingtaine d’années.
Une maitrise approximative des cet outil manifesté en premier par le patron camerounais de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative qui n’a cessé de rappeler que ce fameux SIGIPES est toujours en cours de démarrage. Un propos tout à fait ambigu dont personne ne semble évaluer l’immensité encore moins la dynamique, si ce n’est le ministre lui-même. La réalité est tout de même visible au quotidien, c’est bien cette inertie constante de ce mécanisme de décompte et d’analyse des personnels publics et de leur rémunération. Résultat des courses, une multiplication des opérations de recensement sans fin des fonctionnaires dont la plus récente et l’une des plus médiatisée est celle effectuée au lendemain de la nomination en 2019, de l’actuel Ministre des Finances Louis Paul Motaze.
Une campagne qui, selon le chef des Finances, principal initiateur de cette opération a permis de dénombrer et de chasser plus de 10 000 agents absentéistes et faussaires entrainant une économie de plus de 35 milliards de FCFA dans les caisses déjà assez maigres de l’Etat. Chiffres flatteurs qui n’ont pas résolu le problème car la machine à recrutement a continué à fonctionner et aujourd’hui on dénombre de façon approximative entre 320 000 à 350 000 agents publics, faute d’un SIGIPES 2 entièrement fonctionnel. En définitive, l’enveloppe budgétaire annuelle consacrée à ces travailleurs est d’environ 1250 milliards de FCFA, montant invérifiable mais quasi stable d’une année à l’autre, ceci en dépit des annonces tonitruantes effectuées par les gestionnaires publics sur la mise en trappe des fonctionnaires véreux.
Rien d’impressionnant lorsqu’on se trouve au cœur d’une dynamique d’incoordination et d’improvisation générale où le paysage socio-économique est parfois confondu à une vaste scène de divertissement.
Par Brice NGOLZOK