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samedi, 27 juillet 2024

Gouvernance : Délocaliser la capitale du Cameroun vers une destination plus conciliante

Chers internautes et abonnés nous vous livrons cette chronique de l’ex ouvrier des Plantations comme il aime bien se faire appeler qui confirme et assume à la mesure que sa plume se déploie afin de réveiller les consciences à sa manière tout en gardant dans le fond de sa pensée son patriotisme profond. Maurice Tetne dans cette analyse revient sur les chocs parfois inamovibles de l’hypercentralisation sur les populations d’en bas.

« Tant que Yaoundé respire, le Cameroun vit ». M. Paul Biya (1991)

Alors que le pays est fragilisé par une désastreuse guerre civile depuis 2016 qu’on a tôt fait de qualifier du terme réducteur de « crise anglophone », il importe, en cette fin d’année, de questionner l’hyper centralisation qui a conduit le Cameroun dans cette guerre fratricide. Les voix autorisées ont suffisamment édifié l’opinion sur la réunification manquée de 1961 et du subterfuge maladroit des autorités d’alors qui a, pendant des années, alimenté des frustrations et conduit à la guerre actuelle.

Nous vous invitons aujourd’hui, chers lecteurs et chères lectrices, à aborder la question d’un point de vue qui peut sembler banal, mais qui constitue la plaie puante susceptible de compromettre sérieusement la marche de notre pays vers une véritable réconciliation : la capitale. Toute capitale est la vitrine et le miroir censé offrir le meilleur visage d’un pays.

L’évocation des noms Ottawa, Washington, Madrid ou encore Lisbonne, enchante l’esprit de toute personne qui en entend parler, ceci parce que ces pays ont travaillé de manière à vendre l’image (même fausse dans certains cas) de ville vitrine qui fait la fierté du pays. Il n’en est rien du cas camerounais. Les répressions barbares qui ont rendu célèbre Yaoundé, les déportations forcées de prisonniers politiques des autres régions pour la capitale, l’hyper centralisation du pouvoir, la création des foyers majeurs de corruption, la fabrication hâtive de fonctionnaires corrompus jusqu’à la moelle qu’on affecte ensuite vers d’autres régions pour propager la gangrène sont autant de faits qui, plus de soixante ans après « les indépendances » frelatées accordées par la France, disqualifient Yaoundé et la rendent impropre à servir de vitrine pour le Cameroun. Oui, dans l’imaginaire du monarque républicain, « Tant que Yaoundé respire, le Cameroun vit ».

Quand on s’est constitué une cour fardée et hypocrite qui vous caresse l’oreille, il est tout à fait normal que vous vous engluiez dans le mensonge et l’illusion que la charogne vous fait miroiter. La capitale devient alors le rempart qui vous assure le totem d’immunité et qui vous pousse à tenir pour acquis que vos fantasmes sont le partage de vos compatriotes, et que la ville qui vous sert de refuge imprenable représente à elle seule l’esprit de tout le pays. Vous faites de ce lieu un centre de l’injustice où le commerce des indulgences vous garantit la reconnaissance éternelle de ceux qui retournent leur veste.

La politicaillerie opportuniste et minable converge vers votre forteresse et s’aligne devant votre porte. Parmi eux, certains, au lieu de collectionner des tatouages, collectionnent des cicatrices, œuvres de vos sbires aux airs de pitbull sous cocaïne qui aiment voir le sang couler, surtout quand ce n’est pas le leur.

otre capitale respire, mais le pays suffoque, et vous ne le voyez pas, car vous avez acheté toutes les consciences naguère libres. Des expressions telles que « les petits mots de Yaoundé » (auxquelles on pourrait très bien opposer « les grands maux de Yaoundé ») font irruption dans le jargon populaire, isolant de plus en plus une ville dans laquelle certains Camerounais ont du mal à s’identifier. Même dans cette capitale qui semble respirer, les populations peinent à joindre les deux bouts. Quand la promiscuité entraîne des frictions d’amour propre, on a du mal à se sentir chez soi, surtout si on perçoit de loin votre luxueux palais perché sur la colline, loin de la vermine crasseuse que vous appelez peuple et que vous évitez comme la peste.

Le Cameroun doit entamer une longue marche de réconciliation. Nos peuples doivent réapprendre à s’aimer, à cheminer ensemble et à panser les plaies causées par six décennies de tribalisme d’état. Après des années passées à se détester avec passion, nous devons entrer dans la pénible phase de rééducation et cultiver des sentiments paisibles les uns envers les autres. De ce fait, la ville qui servira de vitrine doit être une ville autre que celle qui incarne aux yeux de beaucoup le tribalisme institutionnel, la couardise, les descentes musclées, les règlements de compte, les répressions policières, l’impunité, les procès expéditifs de prisonniers politiques, la corruption légitime, les fraudes électorales…

Tant que Yaoundé sera la capitale du Cameroun, certains cœurs ne seront jamais guéris de toutes ces décennies de maltraitance. Délocaliser la capitale donnerait à notre pays un souffle nouveau et une respiration nouvelle. Tout traumatisé peut sereinement entamer sa marche vers la guérison s’il sait que son bourreau est désormais inoffensif, incarcéré et qu’il a perdu toutes les armes avec lesquelles il oppressait ses victimes. La question légitime que vous pourriez nous opposer est celle de savoir quelle ville pourrait remplacer Yaoundé ! Nous aurions aimé pouvoir donner un nom, mais cela va au-delà de nos compétences.

Les sociologues et les anthropologues sont mieux outillés pour proposer aux Camerounais une ville dont la symbolique et même le nom sont suffisamment fédérateurs pour notre pays. Chose sûre, cette reconstruction doit se faire sans ceux qui tiennent les rênes du pouvoir, car ils ont montré leurs limites. Le pyromane ne saurait par un tour de magie devenir pompier. Pour qu’un Cameroun nouveau vive, Yaoundé doit cesser de respirer.

Excellente année 2023 à tous, et que Dieu se souvienne de notre pays le Cameroun !

Maurice Tetne

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